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La Toussaint rouge : c’était il y a 70 ans…
 
 
Le 1er novembre 1954, baptisé Toussaint rouge, est considéré symboliquement comme la date de début de la guerre d’Algérie. Bien entendu, il n’en est rien. Si une date doit être retenue comme début de la guerre d’Algérie, c’est le 8 mai 1945 et les événements dramatiques qui s’y sont déroulés.

En effet, après cette date tous les mouvements indépendantistes se mettent en sommeil et il faudra une dizaine d’années pour qu’ils se reconstituent progressivement, aidés financièrement par l’Égypte de Nasser et la Syrie, sur les territoires desquels sont formés et entraînés des jeunes Algériens, et où leur sont indiquées les filières pour rallier l’Algérie.

 

Au printemps 1954 les différents partis souhaitant l’indépendance de l’Algérie, le MTLD/MNA de Messali Hadj et l’UDMA de Ferhat Abbas, entre autres, se réunissent et forment un Comité Révolutionnaire d’Union et d’Action (CRUA) sous la direction de Mohamed Boudiaf.

La date du 15 octobre 1954 est arrêtée pour un premier déclenchement d’attentats, mais rien n’est prêt et il faut repousser ces premières opérations au 1er novembre. Les responsables des équipes ne sont prévenus que six heures avant le déclenchement afin d’éviter les fuites.

À la direction de la Sûreté à Alger, le patron, Jean Vaujour, avait été prévenu dès le 25 septembre qu’un véritable soulèvement se préparait et que les séparatistes passeraient à l’action avant un mois. Il en avait référé à sa hiérarchie qui, bien entendu, n’en avait tenu aucun compte.

Donc dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, les opérations sont lancées par différentes équipes réparties sur tout le territoire. « Toussaint rouge » est un bien grand mot compte tenu du bilan mitigé de ces attentats : neuf morts au total, trois bombes (Radio Alger, Gaz d’Algérie et pétroles Mory) qui explosent et une vingtaine d’autres qui n’explosent pas, des bombes fabriquées pour faire beaucoup de bruit et peu de dégâts, à base de chlorate de potasse, quelques attaques de ferme, des récoltes brûlées, des poteaux télégraphiques coupés, des mitraillages contre les murs des gendarmeries (Cassaigne) et des casernes (Boufarik et Blida).

La première victime de ce 1er novembre sera un jeune homme de 22 ans, à peine libéré du service militaire, Laurent François. Il est abattu devant la gendarmerie de Lapasset.

Les autres victimes :

  • Le lieutenant Darnault plus deux spahis à Kenchela
  • Le garde forestier Braun près de Saint-Denis du Sig
  • Le brigadier-chef Eugène Cohet et un soldat, Pierre Audat, du 9e régiment des chasseurs d’Afrique
  • Hamed Harouk, un agent de police à Dra-el-Mizan
  • Et enfin, le plus spectaculaire, celui dont tous les médias métropolitains s’empareront, c’est l’assassinat du caïd de M’chounèche, Ben Hadj Saddok et du jeune instituteur Guy Monnerot dans le car qui faisait le trajet entre Aris et Tifelfel, dans les gorges de Tighanimine (sa jeune femme, Jeanine, sérieusement blessée à la cuisse droite, sera sauvée. Elle décédera 40 ans plus tard le 11 novembre 1994). Le chauffeur du car était complice des meurtriers qui avaient l’ordre d’assassiner uniquement le caïd. Ils seront sévèrement châtiés (leur chef exécuté) par le responsable de la région Mustapha Ben Boulaïd.

Après ce 1er novembre 1954, il ne se passera plus une seule journée et une seule nuit sans attentats, sans meurtres, sans explosions. Le processus est enclenché et il se poursuivra jusqu’au 13 mai 1958.

Les premiers attentats de fin 54 ont inquiété la population, sans toutefois la traumatiser. L’Algérie a connu, au cours de sa jeune histoire, bien d’autres flambées plus graves. C’est la raison pour laquelle la situation n’est pas prise trop au sérieux. Il est évident que ces terroristes seront rapidement mis hors d’état de nuire, et la situation reprise en main.

 

Ce ne sera pas le cas. Le nombre des exactions allait crescendo et devenait préoccupant. Les autorités françaises, toujours avec ce souci majeur de ne pas heurter l’opinion internationale, n’employaient pas tous les moyens dont elles disposaient pour enrayer cette progression. Elles ne voulaient pas reconnaître l’état insurrectionnel dans lequel se trouvaient plongés ces trois départements français d’Algérie.

Les attentats se multipliaient, des bombes explosaient en différents endroits, des exécutions permettaient aux terroristes d’affirmer leur loi, celle du crime, surtout sur la population musulmane très hésitante à choisir son camp jusqu’en 1956 mais qui, devant le manque d’initiative des gouvernements français, finit par basculer, par peur, dans le camp des indépendantistes.

Nous connaissons la suite et la fin tragique, pour nous, mais également pour l’Algérie.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez pour Dreuz.info.

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